La
basilique
Saint Rémi de Reims à laquelle je fais référence dans le
chapitre consacré aux arcs boutants, étape ultime du
voûtement ogival, est intéressante dans l’histoire de la
technique architecturale car elle est constituée d’une
majestueuse nef romane qui, 120 ans plus tard, a été
voûtée d’ogives contrebutées par des arcs boutants puis
dotée d’un magnifique chœur gothique bâti alors selon
les techniques ogivales.
Alors
que
le chœur gothique a résisté au temps, la nef s’est
montrée fragile au cours des ans au point de devoir
remplacer au XIXème
siècle les voûtes en pierre du XIIème
siècle par des voûtes en bois, plus légères, recouvertes
de plâtre peint pour donner l’illusion en trompe l’œil.
Comme quoi on ne transforme pas en gothique une nef
romane simplement en la couvrant de voûtes ogivales et
en ajoutant des arcs boutants. La structure doit être
pensée dès le début, dès le creusement des fondations.
L’élévation
irréprochable
de la nef de Saint Rémi, initialement couverte en
charpente, est à mettre en perspective avec l’élévation
de la nef de l’église Saint Etienne de Nevers (51)
couverte en berceau et la nef de l’abbatiale de Jumièges (76) dont le
couvrement est supposé avoir été en charpente avec des
arcs diaphragmes.
Cette
église
est
aussi
remarquable
par
sa
longueur
(nef
+
chœur)
de
121,60 mètres. Par comparaison Notre Dame de Paris 127
m, Amiens 133,50 m, Sens 113,50 m, Laon 110,50 m.
De
l’église
romane, édifiée en trois campagnes au XIème
siècle de 1005 à 1049, il nous reste le plan,
l’élévation de la nef et du transept ainsi que la tour
située au sud de la façade.
Au
XIIème
siècle, cent vingt ans plus tard vers 1170,
d’importantes transformations furent entreprises durant
plus de vingt ans :
-
Remplacement du chœur roman constitué d’une abside
semi-circulaire sans déambulatoire, par un chœur
gothique avec déambulatoire et chapelles rayonnantes et
une élévation avec tribunes et triforium.
-
Reprise du porche d’entrée et du narthex remplacés par
la façade actuelle et deux travées supplémentaires avec
tribunes et triforium comme dans le chœur, couvertes
d’une voûte sexpartite.
-
Remplacement de la charpente par des voûtes d’ogives
quadripartites. Les murs de la nef sont surélevés et
percés d’oculi. Les piles intérieures du XIème
siècle sont garnies de colonnes et colonnettes pour
supporter les arcs et ogives des voûtes. Des
arcs-boutants sont érigés à l’extérieur pour contrebuter
la poussée des voûtes. Le choix de les installer une
travée sur deux était-il dû à un projet initial de
voûtes sexpartites comme dans les deux premières travées
de la nef ? Ce choix associé aux voûtes quadripartites
fut en partie la cause de la fragilité de l’édifice.
Au
XVIème
siècle, en 1506, la réfection de la façade du transept
sud en style gothique flamboyant est achevée.
Au
XVIIème
siècle la clôture du chœur est remise au goût du jour de
l’époque.
Au
XVIIIème
siècle l’insuffisante solidité de la nef (murs romans
trop faibles, arcs boutants ajoutés après coup une
travée sur deux, colonnes intérieures ajoutés mais non
intégrées dans la maçonnerie) entraîna d’importants
désordres. La nef fut l’objet d’opérations d’entretien
et de lourdes réfections : reprise d’arcs-boutants et de
culées qui s’affaissaient, réfections de voûtes.
Au
XIXème
siècle l’état de délabrement de l’édifice était tel
qu’il fut envisagé de raser la nef et de ne conserver
que le transept et le chœur. Fort heureusement cette
déconstruction n’a pas eu lieu. Les voûtes
de
la nef dont
certaines
étaient effondrées furent remplacées, comme nous l’avons
dit, par des voûtes en bois et en plâtre
en gardant intact les arcades, les murs et la galerie
des tribunes de la nef d’origine. La
tour nord fut entièrement reconstruite ainsi que toute
la façade au dessus des cinq fenêtres. La grande rose,
le balcon et les rangées de petites arcades sont des
inventions du XIXème
siècle.
A
une époque indéterminée les fenêtres qui éclairent la
galerie des tribunes ont été murées ainsi que celles du
collatéral nord qui donnaient sur le cloître.
Au
XXème
siècle la basilique fut gravement éprouvée par les
attaques aériennes en 1918.
Les
bombes
larguées par les
avions
ennemis
s'abattent
sur
la basilique, le toit s'enflamme et s'effondre. Les
fausses voûtes en bois et plâtre s'effondrent sur toute
la longueur de la nef et une partie du transept. Les
dégâts sont aggravés par les intempéries de l'hiver, les
bas-côtés
sud
s’effondrent
en
avril 1919, la
pluie
et la tempête abattent le pignon nord du transept en
1920.
Quelques photos provenant de la base Mérimée illustrent
ce désastre ci-dessous dans l’onglet Divers.
La reconstruction de la nef par l’architecte Henri
Deneux durant plus de quinze ans nous permet d’admirer
aujourd’hui l’édifice tel qu’il devait être au XIIème
siècle avec
peut être une pointe de nostalgie car l’authenticité
n’est plus là.
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