Les  origines de l’architecture religieuse médiévale

 
























Avant d'entamer notre parcours historique qui débute aux environ de l’an mille, regardons rapidement ses racines, c'est-à-dire ce qui a précédé le développement de l’architecture religieuse médiévale.

C’est une vue très générale, donc fortement imprécise. Elle contient des lacunes, des simplifications, des raccourcis parfois simplistes qui pourront choquer les spécialistes. Il ne s’agit que de tracer une "toile de fond" pour aider le lecteur à se repérer dans un monde déjà complexe.

L’architecture religieuse médiévale puise ses sources dans les architectures grecques, romaines et du moyen orient.


Les Grecs

Les grecs maîtrisaient l’édification d’imposants monuments religieux parallélépipédiques constitués de colonnes rapprochées sur lesquelles reposent des platebandes en pierre, appelées architraves, qui rendent toutes les colonnes solidaires entre elles et assurent l’équilibre de l’ensemble. Une charpente en bois supportait une toiture couverte de tuiles.

Dans cette architecture en pierre chaque membre, c'est-à-dire chaque élément, est visible et possède deux fonctions :

-  Technique pour soutenir et assurer l’équilibre de l’ensemble,

-  Décorative pour contribuer à la beauté et à  l’esthétique de l’édifice.

Il n’y a pas d’organes cachés qui contribuent à l’équilibre et à la solidité de l’édifice qui devait impressionner tant par sa beauté que par la maîtrise visible des lois de la pesanteur en hommage à Zeus.

L’image des temples grecs représentatifs de ce type de structure nous est familière.


Ruines du temple d’Aphaïa à Egine (Grèce)




Le Parthenon à Athène (Grèce)

L’Erechtheion à Athène (Grèce)




L’Erechtheion à Athène (Grèce)



(source Internet)

Les Romains

Les Romains furent de grands bâtisseurs tout au long de leur expansion, en occident comme en orient.

La majorité des nombreuses constructions qu’ils ont léguées aux habitants de l’Europe transalpine répondaient avant tout à des besoins économiques et administratifs (les basiliques), logistiques (les aqueducs, les ponts, les voies de circulation) et sociaux (les théâtres, les amphithéâtres, les termes publics et les habitations privées).  La conquête à but économique et la pratique du culte domestique n’exigeaient sans doute pas l’édification de temples monumentaux dans les territoires annexés.

Les principes de construction des romains en occident furent très différents de ceux des grecs parce qu’ils ne pouvaient compter que sur une main d’œuvre sous qualifiée ("les gaulois") mais abondante.

Les Romains voulaient aussi préserver leur héritage culturel de l’esthétique grec avec les peintures et les sculptures.

L’architecture romaine développée en occident dissocie les deux fonctions :

  la fonction structurelle technique (équilibre et solidité),
•  la fonction esthétique et artistique (beauté, décors et raffinement).

 

La structure est réalisée par une maçonnerie massive, robuste et peu élégante avec les matériaux disponibles sur place et facilement réalisable par une main d’œuvre peu qualifiée.

L’esthétique est réalisée par des crépis et des parements plaqués sur la structure de soutien et travaillés par une main d’œuvre qualifiée : tailleurs de pierre, sculpteurs, peintres, etc. 

Le temps ayant fait son œuvre, seules les structures massives en maçonnerie sont parvenues jusqu’à nous (ce qui prouve leur robustesse !) alors que les parements décoratifs ont disparu sauf à de rares exceptions.

Les techniques employées pour la solidité de la structure sont facilement visibles et montrent que les techniques de la voûte en arête, du contrebutement par des berceaux transversaux et le renforcement des appuis par des arcs de décharge étaient déjà connus.


Thermes de Caracalla (Rome)




Basilique de Maxence et Constantin (Rome)



(source Internet)

Termes de Cluny (Paris)





(cliquer sur l'image pour visualiser des photos des termes de Cluny en plein écran)

L’alternance de briques et de pierre est un dispositif purement technique qui n’a aucune valeur esthétique.

 

Les Byzantins

A l’est de Rome les peuples colonisés par les Romains avaient une longue tradition de bâtisseurs (les Grecs, les Byzantins, les Assyriens, etc.), ce qui n’était pas le cas de la Gaulle transalpine.

La chute de l’Empire romain d’occident au 5ème siècle fut décisive dans l’évolution de l’architecture religieuse. L’empire romain d’Orient subsista jusqu’au 15ème siècle et la longue tradition de bâtisseurs de ses peuples poursuivit son évolution comme en témoigne la basilique Sainte Sophie d’Istanbul édifiée au 6ème siècle puis transformé en mosquée au XVème siècle à la chute de l’empire romain d’orient. Cet édifice qui a résisté au temps, montre la maîtrise qu’avaient déjà les architectes orientaux pour bâtir grand, haut et lumineux.


Basilique Sainte Sophie d’Istamboul (Turquie)







(source Internet)

 Les carolingiens

En occident les Romains n’avaient pas pratiqué ce que l’on appelle aujourd’hui le transfert de technologie pour que leur art de construire ne s’évapore pas. 

Les légions romaines devaient sans doute encadrer la construction et l’entretien des voies et des édifices selon les orientations et les directives venant du pouvoir central. Une fois les légions parties, les peuples d'occident sans tradition de bâtisseur furent livrés à eux-même.

Quand il n’y a pas de tradition la décadence s’installe. Le phénomène fut aggravé par l’absence de régime politique stable laissant la liberté d’agir aux hordes d’envahisseurs qui ne cherchaient que des gains immédiats grâce aux butins accumulés.

Au 8ème siècle, sous l’impulsion de Charlemagne qui fit appel à des architectes d’Orient pour donner un nouveau souffle à l’art de bâtir, naquit l’architecture religieuse Carolingienne. Elle s’inspirait des modèles orientaux au plan centré. La chapelle Palatine d’Aix la Chapelle, alors capitale de l’empire Carolingien, est représentative du style voulu par l’empereur. En France l’oratoire de Germiny des Prés datant du IXème siècle, bien que lourdement restauré au XIXème siècle, reste un témoin de cette architecture.


La chapelle palatine à Aix la Chapelle (Allemagne)



(source Internet)


Germiny des Prés (45)



(cliquer sur l'image pour visualiser des photos de Germiny-des-Prés en plein écran)



Malheureusement les successeurs de Charlemagne se partagèrent l’empire et le désordre repris place. L’architecture Carolingienne ne survit pas. Ce n’est qu’au 10éme siècle avec l’avènement des premiers capétiens que commença la lente remise en ordre de la future France. 


Naissance de l’architecture religieuse médiévale en occident

La religion païenne des romains se pratiquait principalement chez soi où un endroit privé plus ou moins vaste était dédié à l’autel devant lequel les rituels se déroulaient.

Au 4ème siècle l’empereur romain Constantin se convertit au christianisme et promulgua l’édit de Milan, en 315, qui accorda la liberté de culte. La religion chrétienne fut ainsi tolérée au sein de l’Empire romain ouvrant ainsi la voie à son expression et à sa pratique publique.

Les chrétiens n’étaient plus obligés de se cacher pour pratiquer leur croyance. Un des caractères fondamentaux de la religion chrétienne est l’Eglise, c'est-à-dire l’association de tous les chrétiens (les fidèles) qui se rassemblent en un même lieu (l’église) pour pratiquer leur culte qui est un acte collectif contrairement au paganisme romain où il est individuel.

Les premiers chrétiens "libres" se réunissaient sans doute dans les demeures de notables qui disposaient d’espaces suffisants pour de petits groupes. Mais quand le rayonnement du christianisme devint plus grand il fallut trouver d’autres lieux et la basilique civile romaine se révéla vraisemblablement très appropriée pour recevoir les fidèles.



Basilique civile de Leptis Magna (Lybie)



(source Internet)

Les églises d’occident ont, sauf exception, adopté ce plan basilical composé schématiquement de :

-  une nef
-  des collatéraux de part et d’autre de la nef
-  une abside hémisphérique

Ce plan correspond au lieu où se déroulait la vie civile chez les romains : activités judiciaires, affaires économique, marché, réunions publiques, etc. Pour rendre la justice le juge se tenait dans l’abside où se trouvait la statue de l’empereur régnant. En ce lieu s’exerçait ainsi le pouvoir suprême.

Le transept fut ajouté pour améliorer les commodités fonctionnelles de l’édifice tout en symbolisant la croix emblèmatique du christianisme.


L’an mille

À partir de l’an mille le Moyen Âge entre dans une période de croissance économique, démographique et culturelle sans précédent. Entre le Xème siècle (l'héritage de Charlemagne) et le XIIIème siècle (Saint Louis) la population a été multipliée par 3.

Durant quatre siècles la France se construit, s’organise et se gouverne. Les techniques agraires s’enrichissent de nombreuses innovations. Les villes se développent et acquièrent leur autonomie. La pensée médiévale s’affranchit du cadre monastique et développe l’université privant ainsi les moines du monopole de l’enseignement. L’art de bâtir retrouve le souffle perdu depuis le départ des romains.

Ce renouveau de l’architecture religieuse est sobrement exprimé par le moine chroniqueur Raoul Glaber (985 – 1047) dans la traduction donnée par Georges Duby :  « Trois années n’étaient pas écoulées dans le millénaire que, à travers le monde entier, et plus particulièrement en Italie et en Gaule, on commença à reconstruire les églises, bien que pour la plus grande part celles qui existaient aient été bien construites et tout à fait convenables. Il semblait que chaque communauté chrétienne cherchait à surpasser les autres par la splendeur de ses constructions.

C’était comme si le monde entier se libérait, rejetant le poids du passé et se revêtait d’un blanc manteau d’églises. Presque toutes les églises épiscopales et celles de monastères dédiées aux divers saints, mais aussi les petits oratoires des villages étaient rebâtis mieux qu’avant par les fidèles. ».


Les architectes médiévaux ne reproduisent pas le modèle romain basé sur des structures de soutien en lourdes maçonneries recouvertes de parements pour la décoration. Ils reviennent à la pureté du style grec où chaque membre de l’architecture de l’édifice joue le rôle de soutien et de décor esthétique.